vendredi 29 mars 2013

Les Neiges Bleues

Piotr Bednarski (Pologne)

C'est avec ce titre poétique que Babelio et son opération Masse Critique m'a tapé dans l'oeil. Et pourtant je ne connaissais pas du tout l'auteur, Piotr Bednarski ni même aucun autre auteur polonais d'ailleurs. Mais il faut essayer et découvrir de nouveaux horizons.




Ma lecture:

Les Neiges Bleues est un recueil de nouvelles très court (187 pages) mais ces nouvelles sont toutes liées entre elles par les situations, les personnages, le lieu.

Ces petites histoires se déroulent en Sibérie, au coeur du système répressif soviétique. Les protagonistes sont des familles, exilés, qui ont soit des maris au front soit en prison ou déportés.

Il y a l'école, les conflits entre amis, la vie de tout les jours, l'absence d'un parent, la recherche perpétuelle de nourritures, de biens indispensables ou non...

Les paysages sont somptueux malgré l'horreur du sort inéluctable des habitants des lieux. On arrive même à sentir le vent piquer nos joues et brûler nos poumons.

Les titres des nouvelles donnent aussi le ton:
- Le tricot de marin
- Le Sermon sur la montagne
- Néfertiti
- Le clown
- Cygnes
- Le champagne rouge
- Le Bienheureux
- Le berceau
- La mission
- La rencontre
- Sacha
- Le cercueil
- La chapka de zibeline
- L'école buissonnière
- Une tombe à l'européenne
- La prière
- L'amour
- Une réitération de Job

Il y est beaucoup question d'amitié, d'amour, de jalousie, de fidélité, de promesses, d'honneur...
Les enfants ont beaucoup d'importance dans ces cités où ils sont synonymes d'espoir, d'avenir, de changement peut-être. On y parle aussi politique évidemment, religion aussi mais sans préjugés ni parti pris.

J'ai beaucoup aimé ces petites histoires; certains personnages (Petia, Beauté, Pakhomius...) sont exceptionnellement attachants; le style est sobre mais chaleureux bien loin de l'ambiance sibérienne. Nos propres sentiments sont eux manipulés entre joie (minime mais il faut bien s'en contenter), peines (peu survivront) et rage (devant tant d'horreur et d'injustice).

Je vous invite  à découvrir cet auteur qui a véritablement vécu la déportation en Sibérie et qui arrive à nous en parler avec force et conviction. Il est à noter que les Neiges Bleues est son premier roman traduit en français.

Merci encore à Babelio et aux Editions du Livre de Poche pour cet agréable partage.

Le début:


"Le tricot de marin

Nous étions toujours affamés, loqueteux, pleins de poux. La boule tondue à zéro, aux ciseaux et non à la tondeuse, donc en marches d'escalier, et nos têtes avaient l'apparence de pyramides mal bâties. Nous portions des culottes de cheval militaires, toujours trop grandes, qui nous arrivaient presque aux aisselles. Chacun les ajustait tout seul et de son mieux selon ses besoins, jamais une mère ou une soeur, et jamais, Dieu merci, de couturière. L'important était que les jambes puissent bouger librement et jouer à tout moment leur rôle. Le vêtement de dessus consistait en une veste ouatinée piquée, ce smoking soviétique des exilés et des déportés."

Quatrième de couverture:

La température était tombée en dessous de moins quarante degrés. La neige se fit bleue et la limite entre terre et ciel s'estompa. le soleil, dépouillé de sa splendeur et privé de son éclat, végétait désormais dans une misère prolétarienne.
Le froid vif buvait toute sa chaude et vivifiante liqueur - désormais seuls le feu de bois, l'amour et trois cent grammes quotidiens d'un pain mêlé de cellulose et d'arêtes de poisson devaient nous défendre contre la mort.

Au coeur du système répressif soviétique des années 1940, en Sibérie, un petit garçon de huit ans tente de conserver sa joie de vivre.
Malgré les morts, les disparitions, les emprisonnements, le jeune Petia va survivre grâce à la foi mais, surtout, grâce à la poésie.

Un récit autobiographique bouleversant.


Editions Le Livre de Poche (2004) - 187 pages

vendredi 8 mars 2013

A la santé du feu

Dorothée Werner (France)


Ma lecture:

A la santé du feu est mon premier partenariat au sein de Livr@ddict en collaboration avec les éditions JC Lattès.

Mon opinion sur ce roman ne va pas être simple pour moi; il y a à cela deux bonnes raisons:

1. le sujet: la maladie, sa propre maladie. Ici, la narratrice raconte son vécu devant la maladie, le cancer, ses doutes, ses angoisses, l'attente de la confirmation, son combat intérieur...

2. le style; des phrases courtes, cinglantes comme peut aussi l'être le mal qui la ronge. Entre le parler et l'écriture rapide sans re-lecture.

Je vais un peu développer pour commencer le second point.
J'ai adoré le style! Par moments, je lisais quelques pages et je pensais à Céline, son langage si proche du parler. A d'autres c'était "le festin nu" de William Burroughs et ses délires psychotiques. Il faut s'accrocher à ce texte, il y a des passages difficiles à suivre tant l'esprit de la narratrice s'évade, part dans tous les sens. On parle d'un sujet et on passe à un autre sans trop de transitions et on revient au premier...

Moi j'ai beaucoup aimé mais je pense que certains lecteurs, plus jeunes ou moins ouverts, auront de la peine à poursuivre et ce serait dommage.



Le sujet, maintenant, m'a laissé plutôt perplexe. Parler de sa maladie est un acte très personnel qui, je pense, doit être bénéfique au malade. Peu importe de quoi l'on parle, du bien ou du mal que l'on peut écrire sur telle ou telle personne. Par contre, intéresser un lecteur ne sera pas simple.
Dorothée Werner m'a touché souvent, ennuyé voire révolté quelques fois mais c'est normal; chacun devant une telle injustice, aura un comportement unique.

Je n'ai pas aimé que la narratrice ne parle que très peu de ses enfants, de ses amis, qu'elle se focalise surtout sur elle-même... mais elle ne dit quasiment rien sur elle, son travail, où elle habite...

J'ai aimé ses interrogations, ses sautes d'humeur, ses coups de gueule, sa quête d'espoir en dehors de la médecine conventionnelle...

Bref, j'ai passé un très agréable moment de lecture. Un tout grand merci aux éditions JC Lattès pour ce partage et à Livr@ddict pour l'organisation.

Le début:

"Le 1er jour.
Je meurs peut-être bientôt. Au prochain rendez-vous, le médecin l’annoncera-t-il d’un air gêné ? Il prendra des pincettes, bouche tordue, il pèsera laborieusement chaque mot, te donne pas tout ce mal, vieux, je comprendrai au quart de tour : catastrophe intergalactique, sortie de route définitive, tragédie banale, chagrin et rideau. Mais pas sûr. Alors, je serais toute ouïe et plus que ouïe, j’agripperais ma chance fissa et je me faufilerais entre les griffes du mal sans demander mon reste."

Synopsis:


Comment vivre avec une bombe à retardement sous la peau ?

« Laissez-vous faire deux secondes, fermez les yeux, imaginez qu un jour on vous apprend une catastrophe. Pensez à une scène précise, une heure de la journée, une lumière, une ambiance. Quelle est la différence entre la minute juste avant et celle juste après ? Vous êtes assis dans le même fauteuil, buvant le même thé dans la même maison, vous vous mouvez dans le même corps, vous n en souffrez pas plus que ce matin, pas moins non plus, tout est profondément familier, le soleil finit par décliner comme chaque jour, rien n a donc changé. Et pourtant si.»

Une fille passe un examen médical et paf, suspicion. Mais pas sûr. Elle a déjà connu d autres tempêtes sous la peau, mais ce jour-là fini de rire. Pour savoir ce que lui réserve son destin, il va falloir attendre. Attendre, la vache. Attendre un nouvel examen qui confirmera la catastrophe, ou bien qui l annulera. Dans quarante jours, la biologie tranchera.
Ce livre est le journal, écrit à la première personne, de ce suspens existentiel, de ces quarante jours âpres et rugueux. La chronique d un espoir fou, la rage et l amour mêlés. Une enquête aussi, un pistolet sur la tempe, sur le pourquoi du comment, parce qu'il s agit de trouver une issue, et fissa.

Un récit aussi poignant qu'urgent sur l'attente et la solitude existentielle.



Editions JC Lattès (2013) - 315 pages

mardi 5 mars 2013

The Curious Incident of the Dog in the Night-Time

Mark Haddon (Etats-Unis)


Lu dans le cadre de la quatrième édition du Challenge Livra'deux pour Pal'Addict plus communément appelé LDPA 4 organisé génialement par Galleanne et hébergé sur Livr@ddict.




Pour cette nouvelle édition, XL m'avait choisi:


Pas simple de se décider mais j'ai finalement lu:

Ma lecture:

Ce roman est dans ma PAL depuis très longtemps, quelques années sans aucun doute. J'ai probablement déjà entamé cette lecture mais sans aller jusqu'au bout et au final je me demande bien pourquoi.

L'histoire est bien ficelée; le style clair, précis même en VO, même lorsque les propos sont plus scientifiques ou mathématiques.

Le découpage des chapitres ne doit même pas vous troubler; on commence au chapitre 2, ensuite 3, puis 5, 7, 11... soit les nombres premiers, évidemment...

Christopher, le narrateur, héros de cette histoire est autiste, victime du syndrome d'Asperger. Ce trouble provoque chez Christopher des phobies assez étranges (certaines couleurs, le contact avec d'autres personnes, il connait les nombres premiers jusque 7057, il fait des listes pour ne rien oublier...). Il est peu sociable, a des difficultés à comprendre l'étrange monde des adultes et se retrouve embarqué dans une pseudo-enquête policière.

Il va découvrir non seulement le meurtrier mais aussi certaines vérités sur sa famille, sur sa propre existence; ce qui fera éclater sa carapace d'indifférence liée à son handicap.

Mark Haddon au final réussit à faire passer un message joyeux (grâce à l'humour parfois involontaire de Christopher) de compréhension vis-à-vis de certaines différences et nous aide à regarder ce qui nous entoure de façon bien différente. Le succès de ce roman tient aussi au fait que l'auteur ne plaint jamais Christopher mais qu'il l'associe dans l'écriture grâce aux dessins, croquis, schémas qui font partie intégrante du roman.

Un très joli choix, un grand moment de lecture. Merci beaucoup à XL.

Le début:

2. It was 7 minutes after midnight. The dog was lying on the grass in the middle of the lawn in front of Mrs. Shears's house. Its eyes were closed. It looked as if it was running on its side, the way dogs run when they think they are chasing a cat in a dream. But the dog was not running or asleep. The dog was dead. There was a garden fork sticking out of the dog. The points of the fork must have gone all the way through the dog and into the ground because the fork had not fallen over. I decided that the dog was probably killed with the fork because I could not see any other wounds in the dog and I do not think you would stick a garden fork into a dog after it had died for some other reason, like cancer, for example, or a road accident. But I could not be certain about this.

Quatrième de couverture:

Christopher John Francis Boone knows all the countries of the world and their capitals and every prime number up to 7,057. He relates well to animals but has no understanding of human emotions. He cannot stand to be touched. Although gifted with a superbly logical brain, Christopher is autistic. Everyday interactions and admonishments have little meaning for him. Routine, order, and predictability shelter him from the messy wider world. Then, at fifteen, Christopher's carefully constructed world falls apart when he finds his neighbor's dog, Wellington, impaled on a garden fork, and he is initially blamed for the killing.

Christopher decides that he will track down the real killer and turns to his favorite fictional character, the impeccably logical Sherlock Holmes, for inspiration. But the investigation leads him down some unexpected paths and ultimately brings him face to face with the dissolution of his parents' marriage. As he tries to deal with the crisis within his own family, we are drawn into the workings of Christopher's mind.

And herein lies the key to the brilliance of Mark Haddon's choice of narrator: The most wrenching of emotional moments are chronicled by a boy who cannot fathom emotion. The effect is dazzling, making for a novel that is deeply funny, poignant, and fascinating in its portrayal of a person whose curse and blessing are a mind that perceives the world literally.

The Curious Incident of the Dog in the Night-Time is one of the freshest debuts in years: a comedy, a heartbreaker, a mystery story, a novel of exceptional literary merit that is great fun to read.

MARK HADDON is a writer and illustrator of numerous award-winning children's books and television screenplays. As a young man, Haddon worked with autistic individuals. He teaches creative writing for the Arvon Foundation and at Oxford University. He lives in Oxford, England.


Editions Vintage Books (2004) - 224 pages