Nouvelle rubrique sur le blog avec ce petit texte sans prétention.
Le Phare
Mon
père doit monter et
descendre ces escaliers au moins quinze à vingt fois par jour. C'est
son domaine, son antre, sa retraite. C’est devenu son phare. Loin de
tout, ignoré de tous ou presque.
Quand maman est morte, d'une longue maladie, dit-on pudiquement, il s'est enfui. Trois jours durant, sans un mot, sans aucune explication. Il n'est revenu que pour l'enterrement. Je lui en ai longtemps voulu. Maintenant je comprends. Tant d'années à soutenir l’insoutenable à côté de celle qu'on aime; la voir dépérir jour après jour, perdre kilos après kilos. Et ne rien dire, simplement souffrir intérieurement. Et, ce jour-là, le jour de la délivrance pour ma mère, enfin exploser. Expulser toute sa douleur, à s'en faire vomir.
Pendant les trois jours de fuite, il a réfléchi m'a t’il dit. Quel serait sa vie après, comment se passerait son retour à la maison ? Serait-il prêt à affronter ses collègues et leurs blagues de potaches, ces jeunes carriéristes qui ne pensent qu'à prendre sa place ? Non, il n'en avait plus le courage, ni l'envie, ni la force. Il a alors repensé à nos dernières vacances ensemble, sur la côte landaise, loin de l’agitation du monde extérieur. Maman était déjà malade mais elle souriait encore, croyait que ça passerait avec le temps. Elle avait besoin de repos, de l'air du large chargé d'iode nous expliquait-elle. J'étais jeune, je n'avais pas compris que je devais profiter des ultimes sourires de ma mère, qu'ils avaient bientôt faire place aux crispations et grimaces de la chimio. Je regrette aujourd'hui ces instants et les larmes me viennent à chaque fois que je revois les photos de cette année-là.
Quand maman est morte, d'une longue maladie, dit-on pudiquement, il s'est enfui. Trois jours durant, sans un mot, sans aucune explication. Il n'est revenu que pour l'enterrement. Je lui en ai longtemps voulu. Maintenant je comprends. Tant d'années à soutenir l’insoutenable à côté de celle qu'on aime; la voir dépérir jour après jour, perdre kilos après kilos. Et ne rien dire, simplement souffrir intérieurement. Et, ce jour-là, le jour de la délivrance pour ma mère, enfin exploser. Expulser toute sa douleur, à s'en faire vomir.
Pendant les trois jours de fuite, il a réfléchi m'a t’il dit. Quel serait sa vie après, comment se passerait son retour à la maison ? Serait-il prêt à affronter ses collègues et leurs blagues de potaches, ces jeunes carriéristes qui ne pensent qu'à prendre sa place ? Non, il n'en avait plus le courage, ni l'envie, ni la force. Il a alors repensé à nos dernières vacances ensemble, sur la côte landaise, loin de l’agitation du monde extérieur. Maman était déjà malade mais elle souriait encore, croyait que ça passerait avec le temps. Elle avait besoin de repos, de l'air du large chargé d'iode nous expliquait-elle. J'étais jeune, je n'avais pas compris que je devais profiter des ultimes sourires de ma mère, qu'ils avaient bientôt faire place aux crispations et grimaces de la chimio. Je regrette aujourd'hui ces instants et les larmes me viennent à chaque fois que je revois les photos de cette année-là.
Mon père, aussi, a regardé
ces photos quand il a abandonné maman à la morgue de l'hôpital. Il a pris sa voiture et a foncé vers les landes. Trois heures de route sans halte,
sans réfléchir, juste rouler devant soi, vite, très vite.
Arrivé
sur la plage, il a
respiré cet air si fort, si empreint de nostalgie et il a craqué,
vidé son corps de toutes ces horreurs. Il a marché aussi, des heures
durant, les pieds dans l'eau glacée. Pour anesthésier
l'esprit. Quand il a vu le phare, majestueux et affrontant
inutilement les marées, il a compris. Un jour, le phare en aura assez de
ces vagues déferlantes et abandonnera, se laissera tomber,
brique par brique et s'effondrera. Il n'en restera que des photos,
des souvenirs, de l'illusoire en somme.
Aujourd'hui,
mon père est
gardien de ce phare, gardien de la mémoire de ma mère aussi. Il sait
qu'il partira bien avant que le phare n'abdique devant les eaux de
l'océan, mais il tient bon. Il vit au jour le jour. Il a de
nouveau cette joie de vivre et, moi, j'ai retrouvé, sur son visage,
un sourire. C'est le plus beau cadeau qu'il peut nous faire, à moi et à
maman. Pour ça, je te dis tout simplement merci.
Vos commentaires sont les bienvenus afin de poursuivre cette nouvelle rubrique et d'améliorer la qualité des textes proposés...
C'est vraiment pas mal du tout !!! J'aime ton écriture, elle est fluide et très agréable. Et le texte est très touchant.
RépondreSupprimerMerci Fleurdusoleil. J'ai écrit ce texte il y a bien longtemps déjà mais la plume me démange à nouveau. N'hésite pas à repasser par ici de temps en temps.
RépondreSupprimerc'est du vécu ?
RépondreSupprimerj'aime beaucoup, c'est simple, mais les émotions sont très bien retranscrites. ça se lit facilement, et c'est ce que j'aime dans mes lectures ;)
il faut que tu persévères. Tu as d'autres idées de thèmes ?
Non bien heureusement, ce n'est que pure fiction.
SupprimerJe dois bien t'avouer que j'aime:
1) les phrases courtes, vives, très rythmées
2) les émotions plutôt dures et sombres
Maintenant de là à en faire un roman, il y a un énorme pas à franchir :)
J'avais écrit d'autres petits textes dans le genre à l'époque, il faudrait que le les retrouve pour les mettre ici.
A bientôt